Prenant la parole ce jeudi à Paris, à l’occasion de la Conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, le président Félix Tshisekedi a présenté, dans un ton optimiste, les contours de « l’après-guerre » dans l’Est du pays, conditionnant le lancement de trois grands chantiers à un préalable : le retrait de l’armée rwandaise du territoire congolais.

Au programme :

  • Un plan d’aide d’urgence de 5 milliards USD pour la reconstruction du Nord et du Sud-Kivu d’ici 2026 ;
  • Des poursuites contre les « administrations parallèles » du M23/AFC et les auteurs de crimes ;
  • La transformation de la crise actuelle en levier de stabilité régionale.

Mais à y regarder de près, ces annonces soulèvent des contradictions profondes dans le discours présidentiel.

Ignorer Doha, tout en promettant la paix ?

Le président Tshisekedi continue d’écarter tout processus de dialogue, notamment celui amorcé à Doha avec l’appui du Qatar et des partenaires internationaux. Pourtant, les mêmes acteurs qu’il entend poursuivre demain sont ceux qui contrôlent aujourd’hui de vastes territoires avec lesquels, de fait, une forme de dialogue indirect a été engagée. Alors, veut-on négocier ou punir ? On ne peut pas bâtir la paix sur un double langage.

Un ennemi flou, une stratégie floue

Le président nomme l’armée rwandaise comme agresseur principal. Or, sur le terrain, ce sont bien les combattants du M23 qui contrôlent Bunagana, Rutshuru, Kitshanga ou encore Mushaki. Faut-il comprendre que la RDC accepte implicitement de discuter avec le M23 si le Rwanda s’efface en apparence ? Ou que l’objectif est d’effacer toute discussion dès que la menace devient moins visible ?

Reconstruction sous occupation ?

Comment lancer un plan de reconstruction dans des provinces encore partiellement occupées ? Par où commencer si l’État ne contrôle ni les routes, ni les chefs-lieux de territoires ? Comment déployer 5 milliards de dollars là où les banques sont fermées, les services absents, et les drones bombardent encore ?

Justice ou règlement de comptes ?

Enfin, la promesse de poursuites contre les responsables des administrations du M23 semble relever plus du symbole que d’un programme réaliste. Poursuivre après négociation ? Ou négocier pour ensuite juger ? Ce flou affaiblit le crédit des institutions, surtout dans un pays où l’impunité est souvent la règle.

À force de discours à géométrie variable, le pouvoir risque de perdre ce qu’il cherche à consolider : une paix durable et crédible. Car une chose est sûre : on ne reconstruit pas sur l’ambiguïté. Et encore moins sur le déni des réalités du terrain.

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