Après l’alarme lancée par la population riveraine, Le ministre congolais des Mines, Louis Watum Kabamba, a pris une décision rare mais symboliquement forte, celle de suspendre toutes les activités de l’entreprise chinoise Congo Dongfang Mining (CDM) pour une durée de trois mois. La mesure a été annoncée ce jeudi 06 juillet 2025, à la suite d’une visite d’inspection inopinée sur le site de la société, installée dans la périphérie de Lubumbashi.

Pollution dénoncée à Kasapa
Cette décision intervient après plusieurs plaintes répétées des habitants du quartier Kasapa, dans la commune Annexe, qui accusaient l’entreprise de polluer l’environnement à travers le rejet de substances toxiques dans les rivières et l’air. Selon les témoignages recueillis sur place, les eaux de ruissellement issues du site industriel auraient contaminé les nappes phréatiques, entraînant des maladies respiratoires et cutanées dans la population locale.

« Nous ne pouvions plus respirer normalement, la poussière et les odeurs chimiques sont devenues insupportables », confie un habitant de Kasapa, joint par téléphone.

Face à ces accusations, le ministre Watum a jugé nécessaire d’agir rapidement.

« La protection de l’environnement et la santé publique sont non négociables. Les entreprises minières doivent se conformer strictement aux normes environnementales de la République », a-t-il déclaré lors d’un point de presse tenu après sa visite.

Suspension temporaire, salaires maintenus

La mesure de suspension, valable trois mois, s’applique à toutes les activités industrielles et commerciales de CDM sur le territoire congolais. Toutefois, afin d’éviter un choc social, les agents et employés de l’entreprise continueront de percevoir leurs salaires durant cette période.

Le ministre a également annoncé la mise en place d’un audit environnemental indépendant, chargé d’évaluer l’étendue de la pollution et de proposer des mesures correctives. La reprise des activités de CDM sera conditionnée à la mise en œuvre des recommandations issues de cet audit.

CDM, un acteur controversé du secteur minier congolais
Filiale du groupe chinois Huayou Cobalt, CDM est l’un des principaux acteurs du secteur du cuivre et du cobalt en République démocratique du Congo. L’entreprise exporte une part significative de ces minerais stratégiques vers la Chine, où ils sont utilisés notamment dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques.

Mais CDM n’en est pas à sa première controverse. Déjà en 2019, plusieurs ONG, dont Amnesty International, avaient accusé la société de violations environnementales et sociales, et de manquements en matière de traçabilité du cobalt extrait par des sous-traitants. Les populations locales se plaignent depuis plusieurs années de la dégradation des terres agricoles et de la pollution des cours d’eau dans le Haut-Katanga, où opèrent de nombreuses entreprises minières étrangères.

Un signal fort du gouvernement
En suspendant CDM, le ministre Louis Watum Kabamba — lui-même ancien dirigeant du secteur minier privé — envoie un message clair aux investisseurs : les activités minières doivent désormais s’exercer dans le respect strict des normes environnementales et sociales. Cette décision s’inscrit dans la volonté affichée du gouvernement congolais de reprendre le contrôle de son secteur extractif, longtemps critiqué pour son manque de régulation.

« L’exploitation des ressources du pays ne peut pas se faire au détriment de la santé des Congolais », a martelé le ministre, appelant les autres entreprises minières à « se conformer sans délai » à la réglementation nationale.

Vers une nouvelle gouvernance minière ?

Alors que le secteur minier reste le moteur principal de l’économie nationale congolaise représentant près de 95 % des exportations du pays cette suspension de CDM marque un tournant dans la gouvernance environnementale de la République démocratique du Congo. Reste à voir si cette mesure restera un cas isolé ou si elle ouvrira la voie à un contrôle plus rigoureux des entreprises minières, souvent accusées de bénéficier d’une forme d’impunité.

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