Dans un message publié sur X, Corneille Nangaa, président de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) — la coalition politique alliée au M23 — a violemment critiqué Félix Tshisekedi. Il accuse le chef de l’État congolais d’avoir ordonné la fermeture des banques à Goma et Bukavu après la prise de ces villes par les rebelles fin janvier 2025.
Selon l’ex-président de la CENI, cette mesure aurait plongé les populations de l’Est dans une crise économique brutale, les empêchant d’accéder à leurs économies et les faisant basculer dans la dépendance humanitaire.
Une décision vue comme “punition collective”
Pour Nangaa, la fermeture des établissements financiers dépasse la logique sécuritaire :
« Une décision illégale, une punition collective contre les Baswahili », accuse-t-il.
L’ex-haut fonctionnaire estime qu’une partie de la population de l’Est est injustement considérée comme étrangère au sein même de la République. Dans son message, il dénonce une politique supposée d’exclusion et de stigmatisation des communautés swahiliphones.
Kinshasa n’a pas, pour l’heure, répondu à ces accusations.
Paradoxe humanitaire pointé du doigt
Le chef de l’AFC dénonce ensuite un paradoxe : selon lui, après avoir privé les populations locales de leurs propres moyens financiers, Tshisekedi solliciterait désormais une aide internationale destinée à ces mêmes zones.
« Ceux qui vivaient dignement sont devenus dépendants », écrit-il, accusant le gouvernement d’avoir alimenté malgré lui le « business humanitaire ».
Cette critique s’inscrit dans un discours récurrent à l’Est : une méfiance envers les mécanismes d’aide internationale perçus comme durables mais peu transformateurs.
Un contexte de guerre et de polarisation
Les propos interviennent alors que l’Est reste le théâtre d’une guerre ouverte entre FARDC, milices locales, armée rwandaise et M23. La situation humanitaire y est critique, et la prise de Goma puis Bukavu par les rebelles a bouleversé l’équilibre politique national.
Nangaa cherche clairement à capitaliser sur ce moment pour renforcer sa position politique et celle de l’AFC, qui ambitionne un changement de pouvoir à Kinshasa.
Une attaque politique assumée
Dans un ton défiant, l’opposant met au défi Tshisekedi de rouvrir l’aéroport de Goma sous contrôle gouvernemental — une provocation directement liée à la présence de l’AFC/M23 dans la région.
Au-delà de la charge, le message reflète trois lignes de fracture majeures :
• la question de l’appartenance nationale et des identités régionales
• la lutte pour le contrôle de l’Est
• la compétition narrative autour du rôle de l’État et des acteurs régionaux
Un débat national sensible
Les accusations de tribalisme et de discrimination communautaire constituent l’un des sujets les plus inflammables en RDC. Elles soulignent la défiance persistante d’une partie de la population de l’Est envers Kinshasa, dans un contexte où la question de la souveraineté territoriale est plus que jamais au centre du débat.
Le gouvernement, lui, considère l’AFC et le M23 comme des mouvements soutenus par le Rwanda visant à déstabiliser l’État congolais — une accusation ferme rejetée par Kigali et les groupes concernés.
