En voulant “nettoyer” l’espace médiatique des voix soupçonnées de collusion avec les groupes rebelles, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) risque de bâillonner la liberté d’expression. En République démocratique du Congo, la régulation ne doit pas devenir un instrument politique.

Le CSAC vient de frapper un grand coup médiatique.

En annonçant qu’il pourrait retirer les fréquences des médias appartenant à des personnalités liées à des groupes rebelles, l’institution dit vouloir “protéger la sécurité nationale”.

Mais derrière ce discours officiel, une inquiétude grandit : celle d’un retour insidieux de la censure d’État, maquillée en vigilance patriotique.

Dans un pays encore meurtri par des décennies de guerre, nous comprenons la sensibilité du sujet.

Personne ne souhaite que les ondes deviennent un relais de la haine ou de la manipulation.

Mais nous refusons que ce prétexte serve à museler les médias indépendants, souvent les seuls à dénoncer les exactions commises dans l’Est du pays ou à questionner les alliances douteuses entre milieux politiques et économiques.

Le CSAC, censé être un arbitre impartial, se transforme peu à peu en juge et partie.

Sans décision judiciaire, sans enquête transparente, il brandit la menace de la suspension ou du retrait de licence — une arme lourde, qui peut ruiner des rédactions entières et réduire au silence des journalistes déjà vulnérables.

Cette dérive institutionnelle menace non seulement le pluralisme, mais aussi le droit du peuple congolais à être informé.

Car fermer une radio, ce n’est pas simplement couper un signal.

C’est effacer une mémoire collective, priver une communauté de sa voix, interrompre le fil fragile du dialogue entre citoyens.

Dans les territoires reculés du Nord-Kivu, du Maniema ou du Tanganyika, les radios communautaires sont bien plus qu’un média : elles sont un lien de survie.

Les réduire au silence au nom d’une “sécurité nationale” floue revient à frapper les plus faibles d’entre nous.

La véritable menace contre la RDC n’est pas l’information, mais la manipulation du pouvoir.

En confondant la régulation avec la répression, le CSAC trahit sa mission et affaiblit l’État de droit qu’il prétend servir.

Nous appelons à une refondation de cette institution — indépendante, transparente, respectueuse du pluralisme et soumise au contrôle citoyen.

Car un pays qui se tait pour se protéger finit toujours par s’effondrer sous le poids de ses mensonges.

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