À peine rentré à Kinshasa, Théophile Mbemba s’est vu confisquer son passeport. La veille, Seth Kikuni avait déjà goûté aux interrogatoires de l’ANR. L’étau se resserre sur l’opposition congolaise.
Le message est clair : toute dissidence sera coûteuse.
Ce dimanche, à son arrivée à l’aéroport international de N’djili, Théophile Mbemba — ancien ministre et figure montante de l’opposition — a vu son passeport confisqué par les agents de la Direction générale de migration (DGM).
Un geste en apparence administratif, mais lourd de sens politique.
La veille, Seth Kikuni, autre visage du camp anti-Tshisekedi, avait déjà été brièvement interpellé au même endroit, à son retour de Nairobi, où il participait au conclave de l’opposition convoqué par Joseph Kabila.
Il n’a retrouvé la liberté qu’après plusieurs heures d’audition dans les locaux de l’Agence nationale des renseignements (ANR).
Un retour sous surveillance
Le pouvoir de Kinshasa semble avoir mal digéré l’image de ce conclave kényan, où d’anciens alliés et nouveaux dissidents ont tenté d’esquisser une alternative politique à Félix Tshisekedi.
« Le simple fait d’avoir répondu à l’invitation de Kabila est désormais considéré comme un crime de lèse-majesté », ironise un proche de l’opposition joint par Actu26.
Depuis plusieurs semaines, les services de sécurité multiplient les mesures de rétorsion discrètes : confiscations de documents, contrôles ciblés, convocations “administratives”.
Un climat d’intimidation qui rappelle, selon certains observateurs, les réflexes autoritaires du régime Kabila… que Tshisekedi promettait pourtant de rompre.
Un vent de paranoïa politique
Pour le pouvoir, la peur d’un front commun de l’opposition grandit.
Le conclave de Nairobi, bien que symbolique, a réveillé le spectre d’une coalition anti-Tshisekedi à un moment où la présidence fait face à des tensions internes, à une situation sécuritaire explosive dans l’est, et à une popularité en déclin.
« Le régime s’inquiète de tout ce qui échappe à son contrôle », confie un diplomate africain basé à Kinshasa.
« Même un simple déplacement politique devient suspect. La méfiance est devenue doctrine. »
Entre continuité et dérive
Ironie du sort, les méthodes employées par la DGM et l’ANR rappellent celles du système Kabila, que Tshisekedi avait juré de réformer.
Les opposants dénoncent une “judiciarisation de la politique” : contrôles migratoires arbitraires, enquêtes sans base légale, et détentions préventives sans mandat.
Mais au-delà du symbole, c’est le message politique qui inquiète : à l’approche des prochaines échéances électorales, le pouvoir serre la vis et envoie un signal clair à toute voix dissidente.
Le “dialogue” vanté par la présidence semble avoir cédé la place à une gestion sécuritaire de la contestation.
Une opposition fragilisée mais combative
Malgré la pression, l’opposition tente de maintenir le cap.
« Ils peuvent confisquer nos passeports, pas nos convictions », a lancé un proche de Théophile Mbemba à sa sortie de l’aéroport.
Le ton est bravache, mais la tension est réelle.
Dans une RDC où le rapport de force politique s’écrit souvent entre les murs de la DGM et les couloirs de l’ANR, le retour de Nairobi aura valu à certains plus qu’un simple contrôle douanier : un rappel brutal que la dissidence se paie comptant.
